6.15.2006

A l'origine des faits religieux, le surnaturel

A l'EPHE, j'ai compris qu'il était vain de chercher les origines.

Pourtant j"ose ce titre ; il a une vocation pédagogique. Il s'agit d'expliquer comment un phénomène se caractérise comme religieux (Boyer règle d'ailleurs son premier chapitre la question des origines d'une manière magistrale).

Disons pour l'instant que les idées religieuses mettent toutes en scène des êtres doués de propriétés étranges -des agents surnaturels-, que ces idées sont principalement relatives au malheur social ou biologique, à la mort, et spécialement AU mort, vu comme cadavre.

A l'origine du religieux, il y a donc des faits qui apparaissent comme surnaturels.

L'anthropologue s'attache à expliquer comment ces faits surnaturels parviennent à se transformer en idées religieuses, en se diffusant d'une manière efficace pour s'intégrer à la culture dominante (c'est moi qui introduit ce concept).

Le raisonnement de Boyer est le suivant (je résume les principales étapes du chapitre "à quoi ressemble le surnaturel" de son livre :
  • Certains concepts relèvent du surnaturel. Par exemple, un être omniscient ou qui voit l'avenir ou bien un objet qui parle, qui guérit les maladies si on lui récite certaines paroles.
  • Ces concepts surnaturels mettent en scène les catégories ontologiques que notre cerveau est amené à manipuler pour nous permettre d'appréhender le monde : personne, artefact, animal, objet naturel, plante. Ces catégories ontologiques font toutes l'objet d'une description précise au plus profond de notre esprit, un inventaire de propriétés actives et passives (se déplacer, se reproduire, mourir, avoir des intentions précises, ne pas se casser en mille morceaux en cas de choc raisonnable sur le carrelage, etc).
  • Ces catalogues de propriété nous permettent d'inférer intuitivement des prédictions précises (du genre si le chien court après le chat, c'est pour l'attraper). Dans notre fonctionnement cognitif, ces inférences logiques sont permanentes et parfaitement inconscientes (ou au moins intuitives) ; elles nous permettent d'appréhender notre monde de manière efficace, c'est-à-dire économe de nos ressources intellectuelles et psychiques (c'est moi qui reformule).
  • Le surnaturel apparaît lorsqu'un concept est en violation de ces prédictions intuitives (un objet qui parle, une personne qui ne vieillit pas).
Stop, là on s'arrête. Vous avez remarqué ?

En un chapitre, Boyer nous explique "à quoi ressemble le surnaturel", et l'explication -un bijou scientifique de clareté et de concision- vous apparaît brusquement comme l'évidence .
Pourtant nombreux sont ceux qui ont posé la question de l'émergence du surnaturel (je m'intéresse ailleurs aux efforts de Lovecraft et à ceux de l'universitaire Louis Vax pour définir le sentiment de l'étrange et du surnaturel) ; jamais je n'avais lu quelque chose d'aussi convaincant (mais je n'ai pas tout lu, loin s'en faut).

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